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A mon prince disparu
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10 mars 2010

24 heures

Adolescente, l'idée de la mort m'a traversée.Comme beaucoup de jeunes, elle me fascinait et m'effrayait. Je n'avais qu'une envie, qu'une seule hâte, sortir de l'univers familial étouffant, pathologique et destructeur. En même temps, j'avais peur d'aller griller dans les flammes de l'enfer si je me suicidais. Et puis, j'avais l'espoir de jours meilleurs une fois devenue indépendante financièrement.

J'avais une peur bleue de mourir. Peur de te quitter, de laisser notre fille, de ne plus être là pour vous, de ne plus profiter de vous. Peur de quitter notre petite vie tranquille. J'étais heureuse pour la première fois de ma vie. Ce bonheur arrivé brusquement dans ma vie, me faisait peur parfois. Avais-je le droit d'être heureuse après tant d'années de souffrance? J'avais peur qu'il t'arrive malheur dès que tu étais loin de moi. Dès que tu passais le seuil de la maison, il fallait que je te dise cette petite phrase qui te protégerait "Fais attention à toi". J'avais l'impression que si tu partais sans que je te la dise, une catastrophe arriverait. Je te l'ai dit le 11 septembre. Je faisais la vaisselle. Je t'ai entendu dire d'une petite voix "Bon, j'y vais". Instinctivement, j'ai quitté mon évier, ai couru vers toi, t'ai rattrapé au moment où tu passais la porte. "Un petit bisous", t'ai-je dit sur un ton de doux reproche.Tu as eu un petit sourire triste et tu as tourné les talons. J'ai regardé ton dos s'éloigner et t'ai dit ma petite phrase porte-bonheur. C'est la dernière fois que je t'ai vu. C'est la dernière fois que je t'ai embrassé. Je ne t'ai même pas vu mort. Dans la chambre mortuaire, où nous étions ta sœur Gaétane et moi, tes parents et les miens, un monsieur est venu nous prévenir que ton visage se décomposait et qu'il valait mieux attendre que le thanatopracteur fasse son œuvre. Nous étions chez les pompes funêbres lorsque le téléphone a sonné. Impossible de te voir. Malgré tous les soins prodigués à ton visage, la décomposition était trop avancée. Notre dernier baiser a eu lieu sur le seuil de notre porte. Je suis contente de t'avoir embrassé. Contente que nous ne nous soyons pas disputé bêtement ce jour là. Je garde avec moi cette image de tes yeux et de ton sourire tristes, mon baiser sur ta bouche, ton dos qui disparaît. L'autre image est celle de ton cercueil que j'ai moi-même choisi. Juste avant de nous rendre à la cérémonie, ton père et ta mère ont pleuré devant cette boite où tu étais allongé. J'étais vide, anesthésiée. J'ai passé mes doigts sur ton cercueil en essayant de deviner où était ton visage, où reposaient tes mains, . J'avais voulu qu'on dépose avec toi les livres que j'avais acheté pour ton anniversaire, les derniers dessins que tu avais fait avec notre puce, celui que je lui avais fait "dessiner" pour la fête des pères. J'avais insisté pour que ton cercueil contienne également la lettre enflammée que je t'avais écrite un jour, après une de tes représentations de théâtre et que tu gardais dans ta table de nuit. Tu la lisais et la relisais lorsque tu n'allais pas bien...

Faire des surprises à notre puce. Lui faire à manger, lui donner le bain, jouer avec elle. Mettre tout en œuvre pour que son enfance soit la moins malheureuse possible. Lui donner le minimum que je n'ai pas reçu de ma propre mère : l'amour et le respect. Essayer de créer une relation mère-fille saine. Faire en sorte que malgré ta mort, elle ait une enfance heureuse. L'emmener à l'école. S'émerveiller devant ses dessins. La câliner, l'embrasser. Lui dire que je l'aime et lui parler de toi. L''éduquer, lui transmettre nos valeurs. Lui apprendre à regarder ce monde et à l'aimer. Vivre chaque jour pour elle. Tenir 24 heures, 24 longues heures rien que pour elle. Chaque heure, chaque minute à passer est une épreuve, une lutte. Tenir, tenir, tenir. Se donner des objectifs pour le jour suivant : faire les courses, acheter des boites de rangement, lancer une lessive. Ne jamais se coucher sans avoir prévu quelque chose à faire pour le lendemain. Si notre puce n'est plus là, il n y a plus de 24 heures. Il n'y a plus ni jour, ni nuit. Il n y a plus aucune raison de rester. Elle est là. Elle a le droit d'être heureuse. Elle est ce qu'il me reste de toi. Elle est ma chair et mon sang, ma raison de vivre. 24 heures pour elle. 24 heures avec elle. 24 heures pour oublier.

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Commentaires
J
24h+24+etc ....la puce et vous, toujours un pas après l'autre
A mon prince disparu
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