Vendredi après-midi mes collègues ont tous décidé de partir tôt. Sans doute parce que notre directrice revient de vacances demain. De la fenêtre de mon bureau, je les ai vus partir les uns après les autres. Je n'ai pas eu envie d'être la dernière dans l'immeuble. Aussi, dès que l'homme de ménage est venu me dire bonsoir, j'ai plié bagage.

Une fois dehors, je me suis demandé ce que je ferai. Je n'avais pas envie de rentrer et de me retrouver seule dans notre appartement. J'ai donc décidé de me rendre au centre commercial. Une de mes collègues y achète des robes Jacqueline Riu que je trouve très belles mais que l'ancienne SDF que je suis trouve fort chères. Et pourquoi ne pas m'y rendre? J'avais peur d'y trouver un style «vieille mémé» mais j'en suis ressortie avec deux robes «jeunes» et un petit haut gris.

Le soir, j'ai téléphoné à notre puce. Elle n'était pas très bavarde et ne se souvenait pas de ce qu'elle avait fait dans la journée. Cela m'a un peu inquiétée mais après avoir parlé avec ma mère j'étais un peu rassérénée. Je suis ensuite allée au cinéma voir L'Arbre. Un très beau film avec Charlotte Gainsbourg. Une petite fille croit que son papa décédé s'est réincarné dans l'arbre planté près de sa maison. Charlotte Gainsbourg est vraiment une excellente actrice et par moment je me suis reconnue dans son personnage de veuve, du moins au tout début.

Samedi, je suis à nouveau retournée chez Gibert Jeune vendre quelques uns de tes livres. J'ai donné les invendus à trois messieurs qui interpellaient les passants pour récupérer leurs ouvrages. J'ai compris qu'une compétition existait entre ces messieurs car deux d'entre-eux ont commencé à se disputer autour des livres d'une dame. Lorsqu'elle a menacé de ne rien donner s'ils continuaient à se disputer, l'un des deux a cédé.

Sur le chemin du retour, ma mère a appelé sur mon portable. Notre fille pleurait, se plaignant d'avoir mal à la tête et au nez. Il était presque 13 heures. Connaissant notre puce, j'ai suggéré à ma mère qu'elle devait sans doute avoir faim. Je lui ai expliqué que parfois les larmes de notre fille et ses douleurs physiques n'avaient d'autres significations que la faim, la fatigue ou un besoin de câlin. J'ai essayé de différencier le plaintes de notre fille de ses réelles douleurs liées par exemple à des otites. Pas simple d'expliquer que les pleurs sont différents selon qu'il s'agisse de problèmes somatiques ou de besoins différents. «Je l'ai prise dans mes bras parce que je ne savais pas ce qu'elle avait et ce que je devais faire» m'a dit ma mère. L'image de ma mère serrant notre fille dans ses bras m'a paru étrange. J'ai revu la ceinture avec laquelle elle nous frappait mes soeurs et moi avec toujours la même phrase «Tiens! Voilà pour pleurer puisque tu n'as rien»

L'après-midi, j'ai regardé un documentaire sur Jackie Kennedy. Derrière sa beauté et le faste de sa vie, j'ai découvert une femme que la vie n'avait pas épargnée. Infidélité de son mari, la perte de son troisième bébé alors qu'elle était enceinte de 7 mois, la cervelle de son mari sur son tailleur chic quelques mois plus tard,...Beaucoup parle de son élégance ou de son arrivisme. J'ai surtout vu une femme éprouvée par des évènements dramatiques.

La vente de tes livres m'a donné un coup de fouet pour continuer à ranger la maison. Dans l'après-midi, je suis allée porter tes vêtements à La Croix-Rouge. C'est ce que tu aurais voulu : que tes affaires servent à ceux qui en ont besoin. Puis j'ai commencé à mettre de l'ordre dans tout le courrier en retard. Aie ! Il faudra que je m'en occupe sérieusement.

Notre puce a été plus bavarde au téléphone. Ma sœur Karen lui a offert un énorme nounours, des lunettes de soleil de star, une poupée Barbie. Elle a eu droit à un tour de manège et un tas de câlins de la part d'une de mes cousines en visite chez mes parents. Notre petite orpheline trouve quelques compensations à ton absence.

Ensuite, j'ai visionné le DVD que j'avais emprunté il y a 15 jours à la médiathèque, Les amants de Louis Malle. J'aurais bien aimé le regarder avec toi.

Aujourd'hui, j'avais rendez-vous avec un monsieur venu spécialement de Marseille pour acheter tes livres. J'avais mis une annonce sur le site Internet Au bon coin. Ce monsieur s'est extasié devant chaque numéro de ta série sur le football. Son enthousiasme m'a fait mal. Tes livres étaient pratiquement neufs. Tu avais à peine eu le temps de les feuilleter. Ma gorge était nouée à chacun de ses compliments. Le bougre n'avait pas fait l'appoint. J'ai du aller faire de la monnaie et il a trouvé le moyen de me houspiller parce que je n'allais pas assez vite pour trouver quelqu'un un dimanche matin. Lasse de ses emportements, je lui ai fait remarquer que s'il avait pris soin de rapporter la somme convenue, nous nous serions déjà quittés. En bon homme du sud, sa colère est retombée de suite et il a recommencé à sourire.

C'est au bout de trois stations que je me suis rendue compte que j'avais pris mon train dans le mauvais sens. Arrivée à la maison, j'ai à nouveau fait du tri. J'achèterai encore des boites de rangement et du matériel de bureau. J'aurais bien aimé que tu sois là pour voir les changements que j'opère chez nous.

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