Toujours un manque
Hier matin, j'ai pris le train avec une voisine qui habite dans le même bloc d'immeuble que Nounou. As-tu déjà croisé Évelyne sans le savoir? Je sais que vous ne vous êtes jamais parlé. Je connaissais plus de personnes que toi dans notre voisinage. Évelyne m'a avoué (je suis la seule personne à qui elle a confié son secret) qu'elle va se marier en décembre. A 48 ans, elle rayonne comme une jeune première. Sa vie a pourtant été marquée par des évènements terribles.
Évelyne a eu deux enfants «d'un premier lit». Son cadet, a été victime d'un accident domestique alors qu'il devait avoir environ 10 ans. Gravement brûlé sur le visage et le corps, il a subit pendant un an outre des douleurs horribles, plusieurs greffes de peau et a été suivi par un psychologue durant cette période. C'est aujourd'hui un jeune homme d'une vingtaine d'années que je n'ai jamais vu. Évelyne m'a affirmé plusieurs fois que je devrais le reconnaître à son visage défiguré.
Tout à son bonheur, Évelyne m'a confié qu'elle regrettait l'absence de sa mère décédée lorsqu'elle avait 18 ans. «C'est maintenant, à mon âge, quand je vais me marier qu'elle me manque vraiment. Il y a mon père mais j'aurais bien aimé parlé de ça avec elle. J'aurais bien aimé qu'on prépare ça ensemble, et puis même avant j'aurais bien aimé lui poser des questions.»Je lui ai dit que je me posais des questions vis à vis de ta fille. Malgré tous les efforts que nous faisons tous pour combler ton absence, un jour ou l'autre, le manque se fera sentir. Évelyne confirme mes pensées. «Peut-être se sera comme moi, le jour de son mariage, peut-être se sera plus tôt. Tu sais, on ressent toujours un manque...»
Pour ne pas hurler et pour rester aussi anonyme que les autres personnes assises dans le wagon , je me suis dit que notre fille ne serait pas seule. Tu es présent à ses côtés à chaque seconde de sa vie.