Passage à l'acte

J'ai acheté ce livre très vite après ton décès. Je ne l'ai pas lu tout de suite car je n'arrivais pas à lire. Moi qui lisais environ 3 à 4 livres par mois, je ne peux plus me concentrer longtemps sur un ouvrage. Je manque de force, de concentration, d'énergie. Laurence ta sœur l'a dévoré et cela l'a beaucoup aidé. Ta maman n'a lu que les chapitres qui l'ont interpellée. Moi, je le lis en entier et dans l'ordre car je le trouve vraiment bien. Environ 2 pages à chaque fois. Je ne peux pas faire plus.

Hier soir dans notre chambre, j'ai eu une crise de pleurs et s'il n'y avait pas eu notre puce, nos voisins m'auraient entendu hurler à la mort. Je me suis effondrée sur notre lit et poussée par un quelconque instinct, j'ai attrapé ce livre qui trainait depuis des semaines sur la place vide de notre lit.

Je l'ai repris là où je l'avais arrêté. Le hasard a voulu que le chapitre que je devais commencer s'intitule «La spirale suicidaire», p.72-81.

Je crois avoir fait un grand pas. L'auteur décrit ce qui se passe dans la tête des personnes dépressives au moment où elles basculent et vont passer à l'acte. Je n'ai pas pu m'arrêter de lire (presque 10 pages, un exploit pour ma nouvelle vie). Je ne comprends toujours pas cette maladie mais je sais maintenant que tu n'as voulu faire de mal à personne. Tu as simplement voulu que cette souffrance énorme que tu trainais depuis des années et  qui te pourrissait la vie s'arrête enfin. Tu étais arrivé au bout de ta souffrance et le suicide t'a semblé être la seule solution. Ce 11 septembre, notre puce que tu adorais, ta famille, tes amis et moi-même étions loin de tes pensées. Seul comptait le soulagement de cette souffrance. Je comprends mieux pourquoi tu semblais bizarrement tellement heureux la veille. Tu as insisté pour que nous allions au restaurant. Je me souviens de ton sourire devant les facéties de notre puce. Je ne savais pas que c'était le soulagement d'avoir pris ta décision qui te rendait soudainement si heureux. Tu as pourtant tenté de m'appeler le jour J à 16h47. J'étais partie chercher notre puce à l'école. Je n'ai pas entendu mon portable sonner dans mon sac. Je suis arrivée à 16h57. 10 minutes après ton appel. Tu n'avais pas laissé de message. Tu étais parti vers ton destin et allais bouleverser le mien et celui de notre fille.

Mon prince, je souhaite que là où tu es, tu sois en paix. Sans cette maudite maladie qui détruit tant de personnes. Sans tous les maux qu'elle avait engendré. Tes acouphènes, tes maux de tête, ton mal de dos, tes insomnies, tes 1000 et 1 comprimés que tu prenais chaque soir pour lutter contre cette souffrance atroce. Tout cela est terminé. Tu es enfin heureux, j'en suis sûre.

Tu sais quoi ? Je t'envie.