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A mon prince disparu
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18 décembre 2009

Dignité et courage

Dieu que la douleur a été forte ! Waouh ! Cette fête était prévue depuis des semaines.  A l'origine, chaque personne devait apporter un plat ou sucré ou salé. Il a toujours été clair pour moi que je ne cuisinerai pas. J'avais prévu d'acheter un petit quelque chose en passant.  Autres particularités de cette fête : chacun devait tirer au sort le nom d'un collègue, le garder secret et lui offrir un cadeau entre 5 et 10 euros. Un autre cadeau devait être acheté également, non nominatif mais particulièrement kitsch. «On a tous chez soi des choses dont on veut se débarrasser». En d'autres circonstances, cela m'aurait amusée. En l'occurrence, je le vivais comme une corvée. J'avais dit à deux de mes collègues que je n'avais pas envie d'y aller, que je n'avais pas envie de fêter noël et que comme j'étais nouvelle dans ce service, je n'avais pas envie d'offrir des cadeaux à des personnes que je ne connaissais pas. Mes deux collègues étaient dans le même état que moi. L'une d'elle a ainsi profité du fait qu'elle ne travaille pas le vendredi pour s'esquiver.

Enfin, le jour est arrivé. Sur les conseils de ma collègue absente, j'avais acheté un cadeau à 1,50 € au collègue que ma main innocente avait choisi. Ta sœur Gaétane m'avait fourni l'autre cadeau. Une horreur absolue qui a fait sensation. Le repas était offert par l'employeur. Gâteries de chez Le Nôtre. La bonne humeur était de rigueur. J'ai souri, plaisanté, bu du champagne. Je n'ai pas eu de cadeau et cela a désolé tout le monde. La personne qui devait m'offrir un cadeau devait certainement être celle qui avait un rendez-vous extérieur imprévu. «Ben, au moins comme ça, tu sais qui devait t'offrir ton cadeau». «C'est pas grave» ai-je répondu en haussant les épaules devant leur mine défaite. Pourtant, sans que je sache pourquoi, cela m'a mortifiée. Pourquoi, puisque je ne voulais pas participer à cette fête? Il y a trois mois cela m'aurait laissée complètement indifférente. Le sentiment de rejet a laissé la place à une grande confusion. D'abord, une sensation de vide, comme un trou à l'intérieur. Difficile à décrire. C'était comme si mon corps et mon cœur s'étaient soudainement vidés de tout. Plus d'organes, de viscères, de sang, de globules, de cellules. Plus de sentiments non plus. Rien que du vide. Soudain ce vide s'est rempli. Par du chagrin d'abord. Puis est venu s'ajouter un grand sentiment de solitude. Encore une fois j'étais seule au milieu des autres. Tout s'est transformé en une douleur immense, tellement forte que j'ai cru que j'allais tomber.

Je suis sortie pour aller respirer. Le froid m'a réveillée. Bon sang, que m'arrive t-il ? La fatigue de fin de semaine. La soirée avec ma puce qui me culpabilise encore. Je suis en vacances mardi soir. Aujourd'hui nous sommes le 18. Le 18 ? Mais, oui, bien sûr! En éclair, je me revois toute vêtue de noir, des lunettes noires sur le nez, passant d'une personne à l'autre, sans une larme, sans rien ressentir. C'est vrai, mon chéri. Aujourd'hui cela fait tout juste trois mois que tes obsèques ont eu lieu. Il y a trois mois, j'ai vu ton cercueil descendre au fond d'un trou. Tu étais dans cette grande boite que j'avais choisie pour toi en présence de nos parents et de Gaétane. Il y a trois mois j'ai accueilli nos familles, nos amis, avec la plus grande dignité. «Dignité». Que de choses se cachent derrière ces mots.

Aujourd'hui, je me suis rendue compte qu'au milieu de tous ces gens qui riaient, j'étais un fantôme. J'étais parmi eux sans être là. J'ai senti soudain une main amicale me caresser le dos. C'était ma directrice. Elle ne m'a pas regardé et ne m'a rien dit. Je crois que nous nous sommes comprises.

J'ai brusquement quitté la fête. Elle battait son plein. La musique commençait. Quelques collègues un peu grisés se dandinaient déjà au rythme des tubes des années 80. Les grèves de transport ont été une bonne excuse pour m'enfuir. J'ai laissé le champagne, les rires, les plaisirs de bouche pour courir. Courir vers où, vers quoi? D'ailleurs, la neige sur le sol a ralenti mon pas.

Calme toi pauvre Reine et reprend ta robe de veuve «courageuse».

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