Je suis rentrée à la maison le 11 septembre 2009
Je suis rentrée à la maison le 11 septembre 2009 à 16h57. J’ai ouvert mon portable et j'ai vu que tu m’avais appelée à 16h47 sans laisser de message. 10 minutes. Nous nous sommes manqués à 10 minutes près. Ces 10 minutes ont changé à jamais le cours de ma vie. C’était ton dernier appel. Tu as tenté de me joindre une dernière fois mais je n’ai pas entendu mon portable. Je n’ai pas entendu ton dernier appel à l’aide.
Depuis ce jour, je sursaute sans arrêt. J’ai l’impression que mon portable sonne ou vibre. Je n’oublie plus de le recharger et il est toujours avec moi.
Assise dans les transports qui me ramenaient à la maison, j’ai encore eu l’impression, hier, que mon portable vibrait. J’ai replongé mon nez dans mon livre avant de sentir à nouveau de nouvelles vibrations. Cela m’est arrivé tellement de fois ! Combien de fois, ai-je sorti mon portable de mon sac persuadée qu’il sonnait (que tu m’appelais) ! Pour me donner bonne conscience, j’ai ouvert mon sac et ai découvert que mon portable sonnait réellement. Numéro privé ? Je réponds ? Allez, oui, on ne sait jamais.
- Allo, madame ?
- Oui
- Je vous ai laissé un
message sur votre
portable tout à l’heure. C’est la garderie.
- (mon cœur
s’accélère)Euh…oui, j’étais en
réunion toute l’après-midi.
- Les pompiers sont venus
chercher votre
fille. Ils l’ont emmenée à l’hôpital.
- Ah ? (Mon cœur va s’arrêter)
- Oui. Elle a été prise de
tremblements à
la joue. C’était vraiment bizarre. Elle a du avoir une réaction à son
lait. Ça
faisait bizarre. J’ai préféré appeler les pompiers. Je vous donne
l’adresse de
l’hôpital où elle est?
Arrivée à la
maison. Ignorer Fidji qui réclame à manger. Attraper le carnet de
santé. Y aller en voiture ? C’est le moment d’affronter
ma peur. Allez pour ta fille, vas-y, fais le. Non, je suis maudite.
Une malédiction pèse sur moi, si je prends la voiture, je vais tuer
quelqu’un ou lui faire du mal. Attraper le bus. Garder son
calme face à l’annonce de retard du train. Attraper l’avant
dernier bus qui fait une partie du parcours. Remercier la dame qui
m’annonce que le numéro du bus indiqué sur Internet n’existe
pas dans la ville. Attraper le dernier bus de la dernière partie de
mon parcours. Courir comme une folle au service des urgences. Réciter
le psaume 13 (Jusqu’à quand Éternel m’oublieras-tu sans
cesse ? Jusqu’à quand me cacheras-tu ta face ?...)
Détourner le regard en arrivant à l'accueil. A gauche, un brancard
se trouve près de deux ou trois pompiers. Un enfant y est enveloppé
avec du papier utilisé pour les grands brûlés. A droite, un SDF a l’air
très mal en point. Quitter vite l’accueil pour courir aux urgences
pédiatriques
Découvrir ma puce occupée avec des legos au milieu de la salle d’attente. Son regard s’illumine quand elle m'aperçoit. Je la serre dans mes bras. Raconte moi tout ma chérie.
Le monsieur qu’a un gros ventre, il m’a donné un ballon. Et puis, la dame elle a dit que j’étais sa puce. Mais maman, on t’a attendu avec la dame qu’a des gros seins !
J’éclate de rire. Nervosité et soulagement. Ma puce n’a pas l’air de souffrir.
Nous attendons 1 heure montre en mains avant qu’une jeune interne vienne nous chercher. J’ai le temps de penser à toi et de te reprocher ton absence. Je me sens tellement seule face à ces évènements. Elle me pose des questions auxquelles je ne sais pas répondre. Je n’étais pas là. Petit examen de routine. Ma puce a l’air de s’amuser.
Une liste de taxis m’est donnée à l’accueil. J’arrive à avoir quelqu’un après un quart d’heure d’attente. 32 € le trajet. Je dois retourner à l'hôpital mercredi. J'irai en voiture. Est-ce que tu te rends compte que tu m'a privée de ton soutien dans ces moments là?
Aujourd'hui mon portable est resté branché toute la journée dans ma poche, collé contre ma cuisse, en mode vibreur et sonnerie.