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A mon prince disparu
A mon prince disparu
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8 février 2010

Un instant de grâce

J'avais prévu d'aller à la messe et de me rendre ensuite au cimetière. Je voulais t'apporter des fleurs. Malheureusement, mes insomnies de la veille m'ont fatiguée. Je suis allée me coucher à 5 heure après t'avoir écrit. J'ai éteint le réveil lorsqu'il a sonné et me suis rendormie. Pas de messe ce dimanche. L'idée de sortir me parait insurmontable. Une immense tristesse ralentit tous mes gestes. Je pense à toi et à ce que tu ressentais dans tes états dépressifs. La différence c'est que moi, je peux expliquer mon mal-être : ton décès me tue. Toi, mon prince, tu te désolais de ne pas pouvoir trouver de raison à ton désespoir. J'imagine à quel point cela a été dur pour toi durant toutes ces années. Je n'irai pas déposer les fleurs que j'ai achetées sur ta tombe ce jour. Je n'en ai pas la force.

Pas de problèmes pour le repas, il nous reste de la pizza que j'accommode avec de la salade. La journée se passe au ralenti. Je pense à notre deuxième bébé. Celui que nous n'aurons jamais. J'aurais bien aimé un petit garçon pour le voir devenir un homme. Je me demande quelle femme sera notre puce. Je me souviens d'elle bébé. Elle était tellement mignonne. Je n'aurais pas dit non à une deuxième fille. Quels prénoms aurions-nous choisi? Je refoule mes larmes. Pourquoi est-ce que je me fais du mal toute seule?

16h30. Nous sommes invitées à manger une galette chez notre voisin de pallier. Divorcé, il vit seul avec son fils Michael, étudiant. Notre puce reçoit un cadeau. Le énième depuis ton décès. Nous parlons de choses et d'autres que des banalités. Pourtant je sens qu'à un moment cela va arriver et cela arrive. C'est notre puce qui tend la perche au moment où nous parlons d'Haïti.

- Et ben moi, mon papa il est mort

- Il est mort de quoi ton papa?

- Il était malade

Je suis surprise de la question de Michael. Il est vrai que j'ai toujours peur d'être indiscrète alors je préfère me taire. En plus le fait qu'il s'adresse à notre fille pour satisfaire sa curiosité me met mal à l'aise.

- Sans indiscrétion, il avait quoi comme maladie?

- Il était dépressif

- Ah?

- Oui, la dépression est considérée comme une maladie

- (Petit rire nerveux) Je savais pas qu'on pouvait mourir d'une dépression!

- Il s'est suicidé

- (Regard étonné et gêné) Ah

-Oui, il a été dans la forêt de X...

Tu en veux. En voilà. Je raconte brièvement en regardant le curieux droit dans les yeux. Je parle de la dépression d'un ton neutre. Je sens que ma tristesse va revenir. Le père gêné redit quelques banalités. Quand j'ai fini mon cours, je suis épuisée. Nos deux voisins sont mal à l'aise. Je prends congé ce qui les déstabilise davantage. Sur le pas de la porte, Michaël s'excuse. Je lui dis   que la mort n'est pas un sujet tabou, qu'il faut en parler car elle nous frappera tous tôt ou tard. La dépression est une maladie qui tue et n'importe qui peut un jour connaître cet état. Il hoche la tête pensif.

Je m'écroule sur le canapé. Une pulsion subite me fait chercher le DVD de mon dernier spectacle de danse. Dès les premières notes de musique, je suis debout. Je me souviens de mes chorégraphies. Je retrouve le plaisir que j'avais à danser. Je n'ai pas oublié. Je souris et donne le meilleur de moi-même. Mon corps semble petit à petit revenir à la vie. Notre puce me suit. Tandis que nous sommes déchainées au rythme de la musique, notre puce me reconnaît sur l'écran. Elle me demande où tu es. Je te revois dans le public avec notre appareil photo. C'est pour toi que je dansais, mon prince. Rien que pour toi. Dans ton regard, je me sentais belle. Est-ce que l'on danse là où tu es? Quelle place a la musique dans ton monde ?Je me souviens tout à coup que tu ne me reverras plus danser. C'est fini. Je ressens une immense douleur au genou qui m'oblige à m'asseoir. L'instant de grâce est passé.

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