Ta mort m'a tuée
Que faisions-nous de si intéressant le week-end? Rien, il me semble. Le matin, tu partais faire les courses pendant que je m'occupais de notre puce avant de faire le ménage. Tu revenais juste à temps pour que je puisse partir à mon cours de danse. Au moment où je fermais la porte, notre puce et toi vous mettiez à table. A mon retour, vous faisiez tous les deux la sieste et moi je repassais devant la télévision. Ensuite petite promenade alentour ou jeux au bas de notre immeuble. Pas de quoi écrire un livre ou faire un film. Pourtant...
J'ai fait la même chose aujourd'hui. J'ai ressorti les deux tapis de gymnastique que nous utilisions notre puce et moi. C'est grâce à nos exercices que notre puce a appris à compter. Elle était ravie que nous recommencions nos activités «sportives». Ensuite grand ménage. Pour le plus grand plaisir de notre puce, nous avons déjeuné d'un gratin de pâtes et d'une salade d'oranges.15 fois, elle m'a demandé de lui raconter ce jour où en nous rendant au théâtre tu t'es énervé contre une dame âgée. C'est la première et la dernière fois que je t'ai vu être en colère après quelqu'un. Je ne peux pas m'empêcher de repenser à cette scène sans éclater de rire. Toi te querellant avec quelqu'un!...
L'après-midi, notre puce a eu droit au DVD de Chantal Goya «Le mystérieux voyage de Marie-Rose». Cette semaine, j'ai réussi à lui éviter l'écran de télévision en lui faisant utiliser sa dinette et je compte bien continuer. Par contre le week-end, c'est différent. J'ai repassé au rythme du spectacle, scandant avec notre puce les chansons écrites par Jean-Jacques Debout. Ensuite promenade alentour. Maintenant que notre fille sait pédaler, il est possible d'aller un peu plus loin. Petit arrêt au café pour siroter une grenadine à l'eau. Avant de rentrer, j'ai acheté des pailles. Te souviens-tu du plaisir qu'avait notre puce à boire avec ces petits tubes colorés? J'ai acheté aussi une nouvelle boite pour que notre puce puisse ranger ses jouets. Celles que nous avions acheté l'été dernier débordent. J'en rachèterai d'autres plus grandes. Il faudra aussi que je lui achète des pyjamas. Elle grandit tellement vite!
Au retour de notre promenade, nous avons pris un bain ensemble. Ce n'est pas du tout recommandé par les «psys» mais je le faisais déjà quand tu étais avec nous et pour le moment cela n'a pas trop l'air de la perturber. Pendant que notre puce faisait ses jeux de bain habituels, j'ai fermé les yeux et me suis laissée caresser par l'eau et la mousse. Pourquoi, alors que j'ai passé une excellent journée avec notre puce, qu'il a fait beau et chaud, que je n'ai rien fait de moins que ce que nous faisions d'habitude, mon cœur est-il si lourd? Pourquoi, ai-je du lutter toute la journée contre ma voix intérieure, cette voix obsédante qui revient si je ne me maîtrise pas? Parce que tu n'es plus là. Parce que même la plus grande et la plus magnifique des activités, n'a pas la même saveur sans toi. Parce que ta mort est la souffrance de trop. Parce que c'est toi qui m'as fait connaître l'amour et le bonheur, parce que c'est toi qui me rappelles ce que c'est que souffrir, parce que je ne survivrai pas à une nouvelle épreuve.
Je ne comprends pas pourquoi tu es mort. Je me demande ce que j'ai fait pour mériter cela. Pourquoi ma vie doit-elle être une souffrance permanente. Je ne serai jamais une Sainte parce que je n'ai pas une vocation de martyre. Je n'aime pas souffrir. J'ai entendu de beaux discours sur les épreuves qui grandissent, qui transforment, qui font changer, évoluer. C'est ta rencontre qui m'a fait tout cela. Ta mort m'a tuée. Je n'en peux plus.