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A mon prince disparu
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15 septembre 2010

Les jours suivants

Les jours suivants, il a fallu faire vite. Envoyer des mails, téléphoner, prévenir, rappeler, raconter, tout, ton hospitalisation, ta sortie, notre dernier dîner, ton départ, ta disparition, le mépris de la police, l'angoisse terrible, les nuits blanches, l'annonce, tes obsèques qui vont avoir lieu.

Ta mère et tes sœurs se sont chargées de ta famille, mes parents de la mienne  et moi de nos voisins et amis. J'étais comme une automate. J'ai tout raconté sans une larme, sans aucune émotion. Je n'ai pas eu besoin d'appeler tes collègues. Dès ton retour d'hôpital, tu avais appelée ta responsable pour l'informer que tu retournerais travailler le mercredi suivant. Ne te voyant pas revenir, elle a appelée ce jour même pour avoir des nouvelles.

- Ah, mais il ne reviendra pas en fait. Il est mort, il s'est suicidé...

- Oh non!

Pour le coup, c'est elle qui s'est mise à pleurer au téléphone. Moi, j'étais comme une machine ou une chose. Je ne ressentais rien puisque je n'étais plus rien.

J'avais informé notre puce de ta mort le jour même où je l'avais apprise, le jour anniversaire de son baptême. Une main posée sur la sienne, l'autre posée sur son dos, je la regardais me sourire de toute ses dents et je me rendais compte qu'à deux ans et 11 mois, elle ne comprenait pas ce que signifiai tles morts «mort» et «jamais.» Les jours suivants, les semaines et les mois suivants je lui répéterais que vous n'iriez plus à la piscine ensemble, que tu ne ferais plus la sieste avec elle, que vos parties de foot étaient finies. Elle continuera longtemps à attendre ton retour.

Les actes de décès à aller chercher, les organismes à prévenir très vite, les déclarations à faire, les demandes à formuler, les RDV à prendre. Ta maman, ton père venu nous rejoindre et ta sœur Gaétane m'ont aidée et soutenue dans toutes les démarches.

Les jours suivants, tes parents, les miens, ta sœur Gaétane et moi-même sommes allés au funérarium. Un groupe de personnes était déjà là. Tandis que nous attendions que quelqu'un vienne nous chercher, nous les avons vu se rendre dans la salle où reposait leur connaissance décédée. Nous les avons vu en ressortir les uns après les autres, pleurant  et reniflant. J'ai cherché au fond de mon cœur la boule de douleur qui m'aurait fait pleurer mais rien à faire, je ne ressentais rien. Je crois que je n'étais pas là. Un jeune homme habillé élégamment s'est avancé vers nous. Il nous a informé que nous ne pourrions pas te voir. «Il y a du sang sur le visage. Il est visible mais je préfère vous prévenir qu'il y a du sang sur le visage que je ne peux pas enlever.»Spontanément, ta sœur a refusé d'aller te voir. Ta mère et moi avons hésité puis avons préféré que ce jeune homme te «prépare». C'est un thanatopracteur, ai-je songé.

Les jours suivants, tes parents, les miens, ta sœur Gaétane et moi-même étions assis aux Pompes Funèbres. J'ai choisi ton cercueil, l'inscription qui y serait inscrite, les fleurs identiques à celles que nous avions choisies pour notre mariage. Le téléphone a sonné. Le thanatopracteur nous savait dans ce lieu et tenait à nous informer que nous ne pourrions pas te revoir. Tu étais mort depuis 48 heures déjà lorsque l'on t'avait retrouvé. Ton corps et ton visage se décomposait. Tu n'étais plus visible. Selon la loi, il fallait en plus t'enterrer au plus vite. Notre dernier baiser serait donc celui que je t'avais donné sur le seuil de notre porte ce vendredi 11 septembre.

Les jours suivants, ta tante Hélène, ta maman et moi même sommes allées à l'église préparer la cérémonie de tes funérailles. Elles ont eu la délicatesse de me laisser choisir le déroulement de la cérémonie. Leur présence était réconfortante dans la brume où je me trouvais.

Je n'ai que de vagues souvenirs des jours qui ont suivi l'annonce de ton décès. J'avais quitté mon corps et mon esprit ne m'appartenait plus. Les jours suivants j'étais déjà morte.

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