Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
A mon prince disparu
A mon prince disparu
Derniers commentaires
6 décembre 2009

Pour la vie

Personne pour garder notre puce. Je l'emmène avec moi. Elle est habituée aux transports en commun. Elle a l'air de trouver cela amusant. Le plus dur est de se lever à 7h00 un samedi. J'ai pris la poussette car notre puce n'est pas encore en âge de faire de longues marches. Nous sommes à l'heure mais l'adresse indiquée n'est pas précise. Je tourne en rond. J'aperçois un monsieur qui me renvoie vers la police, «Demandez-leur, ils sont juste devant». J'hésite. Je ne veux plus avoir à faire à eux. Ils t'ont laissé agoniser pendant deux jours et je les considère aussi responsables de ta mort que la psychiatre qui t'a laissé sortir de l'hôpital. Bon gré, mal gré, je m'adresse au premier abruti en uniforme que j'aperçois.

- Euh, je suis désolé mais je viens de Province, je peux pas vous aider

- Auriez-vous un plan de la ville?

- Euh..., ah, euh, non, on n'en n'a pas.

Je continue ma route. Rebrousse chemin. L'abruti en service est toujours à la même place. J'en aperçois un second. Il est assis au volant de sa voiture côté conducteur. Mêmes questions, mêmes réponses. Cette fois, le vocabulaire est beaucoup plus limité et le regard est complètement vide.  Je suis prête à renoncer. J'aperçois une contractuelle d'un certain âge. Elle est en train de renseigner un homme. Dès qu'elle a terminé, je l'aborde avec mon plus beau sourire. Elle paraît étonnée.

- Mais c'est au bout de la rue!

- En fait, il suffit que je remonte la rue et je débouche sur la place?

- Ben, oui!

Je la remercie et fonce droit devant. Les deux abrutis n'ont pas bougé d'un millimètre et ont l'air toujours aussi concentré.

J'arrive avec 20 minutes de retard. Un cauchemar pour moi. Je suis essoufflée et prête à repartir car la grille ne s'ouvre pas. Heureusement une charmante petite dame âgée m'indique qu'il faut pousser la porte très fort. Elle me propose de la suivre quand je lui indique ce que je cherche. Arrivée devant la salle, les dames chargées de l'accueil courent dans tous les sens. Un problème de clé fait qu'elles ne peuvent pas ouvrir la salle prévue. Elle cherche depuis 25 minutes un lieu où nous pourrons entrer. Je respire, je ne suis pas en retard.10 minutes plus tard, la rencontre commence enfin.

Christophe Fauré est psychiatre, spécialiste de la fin de vie. Invité par la FAVEC à laquelle j'adhère, il s'adresse à nous de manière simple et chaleureuse. Il parle des différentes étapes du deuil, des pensées qui émergent, des sentiments qui nous envahissent. Il parle de l'entourage qui se veut bienveillant et qui estime qu'au bout d'un certain temps, il faut tourner la page. Il dit qu'il n y a pas de règles, que la souffrance peut durer longtemps et que c'est normal. Il parle et chacun d'entre nous se reconnaît dans ce qu'il dit. Je le sais car du dernier rang où je suis assise, j'en vois d'autres que moi essuyer leurs yeux et moucher leur nez. Notre puce est sage depuis le début. Elle a réussi à séduire la dame assise devant nous. En ¾ d'heure, elle se retrouve assise sur ses genoux. A un moment, je décroche. J'écoute toujours notre intervenant mais ses paroles ne me concernent pas. Il parle de reconstruction, de recommencer une relation avec quelqu'un d'autre, de sexualité. Il explique comment faire pour que cette nouvelle relation fonctionne. Quelqu'un d'autre? Impossible. Il n y a que toi, mon prince. Je ne m'imagine pas toucher quelqu'un d'autre que toi. La simple idée qu'un homme puisse poser ses doigts sur moi me dégoute. Avec qui pourrais-je partager ce que je partageais avec toi? Nous avions le même humour, les mêmes valeurs, les mêmes rêves. Nous étions tellement semblables que cela nous avait un peu effrayés au début. En même temps, nous étions tellement différents que nous étions fascinés l'un par l'autre. Tu étais mon équilibre, ma joie, mon espérance. Tu es et reste mon mari et le père de ma fille.

A l'issue de la rencontre, nous sommes réunis autour d'une table. C. Fauré est parti, les bénévoles nous ont laissé entre nous. Le buffet proposé est simple et bon. Spontanément, nous parlons entre-nous. Réunis par le même drame, nous nous sentons incroyablement proches. Surprise, je m'aperçois que je suis la seule à ne pas envisager une nouvelle relation. Certaines femmes ont pourtant perdu leur conjoint à peu près à la même période que moi. L'une d'entre-elles a même ôté son alliance. La mienne est gravée sur mon doigt.

Je n'assiste pas aux activités prévues pour l'après-midi. Notre puce est fatiguée et nous avons RDV avec ta maman. 4 heures après mon passage, je repasse devant les deux abrutis. Celui assis dans sa voiture a changé de place. Il est assis côté passager.

Je repense à tout ce qui s'est dit ce matin. Je ne dois pas être normale. Peu m'importe. Je t'appartiens. Nous sommes liés et je te rejoindrais là où tu es. Attend moi.

Publicité
Commentaires
T
Je sais bien Minoc que vous n'avez pas voulu être méchante. Mon blog n'a rien de drôle ni d'instructif. Pourtant vous le regardez régulièrement et vous avez la gentillesse de me laisser des messages d'encouragement. J'ai regardé votre blog moi aussi et bien entendu j'en été très émue, pas seulement en tant que mère mais surtout en tant que personne ayant perdu un être cher. Notre souffrance est la même. Je vous remercie d'avoir le courage de me lire.
M
Je n'ai pas voulu être méchante en parlant de lâcheté, je sais que cette maladie devient obsession et dévore ceux qui en sont atteints. <br /> J'exprime ma souffrance en traitant de lâche ceux qui nous ont laissé sur cette terre et dont l'absence nous est insupportable .<br /> Je hurle souvent à mon fils de m'aider à tenir le coup, à avancer...<br /> Un peu de courage pour vous, votre fille a besoin d'une maman forte et votre mari compte pour vous pour l'aider à grandir.
A mon prince disparu
Publicité
Archives
Publicité