Banalité de ma vie

Lever à la même heure qu'hier.

Soins capillaires. J'ai changé la couleur de mes mèches. J'ai pris une couleur plus foncée. Je crois qu'elle te plairait. Tu n'aimais pas mes reflets flamboyants presque roux alors j'avais pris une couleur moins vive pour te faire plaisir. Est-ce que cela est important pour toi maintenant? Est-ce que comme avant tu souhaites que je prenne soin de moi? Que je me fasse belle? Est-ce que cela a de l'importance là où tu es? Dans le doute, je continuerai à faire comme si tu étais encore de ce monde. Je voudrai aussi être belle selon les critères de ton nouveau monde. J'imagine que les qualités mises en valeur là-bas doivent être plus humaines...

J'ai ressorti nos vieux albums de photos afin d'y ranger les photos que nous avons entassées dans une boite. Certaines datent du début de notre histoire. Indéfinissable cette sensation que j'ai ressenti en revenant sur le passé. Voir nos sourires, nos grimaces, nos jeux d'enfants devant l'objectif... C'est étrange. A l'époque, nous n'avions pas d'appareil photo numérique. Tu utilisais encore l'appareil photo que ton parrain t'avait offert pour ta communion. Moi, j'achetais régulièrement des appareils jetables. Que de souvenirs et comme j'ai été heureuse! Comme tu l'as été toi aussi.

Sans que je m'en aperçoive, je suis passé du rangement des photos au rangement des papiers. En fait, je n'ai pas du tout rangé les photos, je les ai simplement regardées. Par contre, je suis fière de moi en ce qui concerne la paperasse.

D'abord, une des choses qui t'énervaient chez moi, c'est mon incapacité à ouvrir mon courrier tout de suite. Qu'est-ce que cela a pu t'agacer! Et tu avais raison. En ouvrant la pile de lettres sur notre bureau, j'ai découvert une lettre de la juge des tutelles datant du mois de mars, me demandant de lui envoyer certains justificatifs, j'ai eu la mauvaise surprise de voir que j'aurais à payer un reliquat pour les charges de notre appartement, il y avait aussi parmi ces lettres le certificat et la carte d'identification de Fidji, un courrier de la caisse d'épargne m'annonçant que le compte dont tu ne te servais plus est débiteur depuis deux mois, la lettre de relance de la juge des tutelles de notre fille, un tas de publicités qui sont allées directement à la poubelle....Notre bureau s'en est trouvé étrangement allégé.

Je suis ensuite passée au plus important: le tri et l'archivage de tes papiers. Je me suis d'abord renseignée sur Internet. Les talons de chèque doivent être conservés 30 ans, les factures de téléphone 1 an, les comptes de sécurité sociale ou de mutuelle 2 ans. Du coup, j'ai fait la même chose pour mes papiers. J'ai retrouvé les dessins que tu faisais avec notre puce tandis que je m'affairais à la cuisine. Je les rangerai dans la boite que j'ai spécialement conçue pour elle. Dans cette boite bleue, j'ai rangé des objets t'ayant appartenu aux différents âges de ta vie et que tu aimais, les témoignages d'amour et d'amitié que j'ai reçu au moment de ta mort, tout ce qui parle de toi et qui aidera notre puce à te connaître un peu. J'avais suffisamment d'énergie pour faire tout cela. Ce n'était pas difficile. J'étais au contraire motivée, sereine et presque heureuse. Quelque part, j'avais l'impression en jetant tout mon superflu, en mettant de l'ordre dans nos papiers, de préparer ma propre mort. J'avais l'impression d'aider les personnes qui seront chargées de s'occuper de mes obsèques et de ma paperasserie. Je me sentais légère comme une plume.

Je me suis contrainte à sortir en fin de journée. Il faisait bon. J'ai déambulé comme hier. Plusieurs pensées ont défilé dans ma tête. J'ai parlé à Dieu et à Jésus. Je ne sais plus ce que je leur ai dit. De toutes les façons, cela ne devait pas être différent de ce que je rabâche depuis des mois. J'ai pensé à la banalité de ma vie. Qu'est ce j'aimais quand tu étais là? Qu'est ce qui était important quand nous étions ensemble et que je ne vois plus?

Aujourd'hui, j'ai rempli ma journée en faisant du rangement. Je ferai la même chose demain.Voilà. C'est tout. Ce n'est que cela ma vie sans toi.

Comments

[lalila]

On connait tous ces banalités, ces rangements qu'on repousse soi-disant par manque de temps... mais surtout par manque d'envie. Et puis un jour on s'y met, ça prend des heures, mais à terme, on voit avec satisfaction le travail effectué.
Essayer de considérer le positif, toujours le positif... Mettre de l'ordre dans les papiers et mettre de l'ordre dans sa vie... Un nouveau souffle. Saisis la vague et profite de ces quelques heures pour ne penser qu'à toi.